LA RÉPUBLIQUE SERA SOCIALE OU NE SERA PAS !
Le mot de la Présidente
Et maintenant ? Après la victoire incontestable des partis de
gauche aux élections municipales et cantonales, la question se
pose avec acuité : comment transformer des victoires locales
en victoire aux élections majeures que sont la présidentielle et
les législatives, qui seules permettent de peser véritablement
sur les choix du pays ? Depuis 1988 à la présidentielle, depuis
1997 aux législatives, la gauche s’est révélée incapable de
transformer l’essai.
D’ailleurs, comme le montre l’abstention record, le résultat des
élections de mars apparaît plus comme une victoire par défaut
et la traduction dans les urnes de ce que les sondages nous
disent depuis plusieurs mois – la fin de l’effet Sarkozy - que comme un renouveau de
la confiance des électeurs envers la gauche.
De surcroît, les élections de mars n’ont rien changé au plan national : la droite
continue d’appliquer son programme ultra-libéral sans se soucier de l’avertissement
donné par les électeurs. Sarkozy nous l’a encore prouvé en égrenant 165 mesures
censées améliorer les finances publiques. En réalité, il s’agit de casser tout ce qui
peut l’être de la solidarité nationale dans notre pays. Ce n’est pas un hasard si des
domaines comme le logement, la santé ou les tarifs sociaux de la SNCF sont les
premiers touchés, sans parler de l’éducation qui devrait être la première concernée
par les suppressions massives d’emplois dans la fonction publique. On remarquera
que ces « économies » ne sont qu’une goutte d’eau par rapport à ce que va coûter le
paquet fiscal (15 milliards par année pleine).
Alors que l’on va bientôt fêter le quarantième anniversaire de mai 68, il est temps de
se préoccuper de la réponse que la gauche doit apporter à cette casse des
conquêtes sociales menées par Sarkozy et Fillon.
Ses succès locaux ne doivent pas cacher sa faiblesse sur le plan national, faute d’un
programme capable d’entraîner l’adhésion d’une majorité d’électeurs et d’un leader
capable de l’incarner. Chacun des partis de la gauche est en crise. Le Parti Socialiste
apparaît aujourd’hui comme un conglomérat d’individualités toutes plus ambitieuses
les unes que les autres. Le Parti Communiste étale ses divisions, tout comme
l’extrëme-gauche. Les sociaux-républicains sont éclatés en différentes chapelles.
Le moment nous semble donc venu d’une initiative capable de secouer les faux
clivages et de faire avancer ensemble militants politiques, syndicalistes et simples
citoyens qui se reconnaissent dans les valeurs fondamentales de la gauche et
veulent bâtir un projet socialiste du 21
ème siècle qui ne soit pas une simple
soumission au libéralisme.
Dans ce contexte, nous ne pouvons que saluer le travail de fond déjà entrepris par
certains clubs afin de faire ré-émerger une identité socialiste susceptible d’être
partagée par beaucoup de citoyens.
Résistance Sociale entend bien être partie prenante à cette nécessaire refondation,
ne serait-ce qu’en favorisant les rencontres entre toutes celles et ceux qui veulent y
prendre part.
En attendant, l’heure n’est pas à la désespérance face à un capitalisme qui rencontre
de plus en plus de difficultés sur le plan mondial pour imposer sa loi.
Marinette BACHE
Les syndicats de la CES unis pour le pouvoir d’achat'une même voix, les syndicalistes européens ont réclamé des "salaires décents", samedi 5 avril à Ljubljana
(Slovénie). Venus de vingt-trois pays, environ 20 000 manifestants ont arpenté les rues de la capitale slovène à
l'appel de la Confédération européenne des syndicats (CES).
Depuis le podium où se sont succédé de nombreux leaders syndicaux, parmi lesquels les Français Bernard
Thibault (CGT) et Jean-Claude Mailly (FO), le secrétaire général de la CES, John Monks, a lancé la
D
"bataille
pour le salaire minimum"
et dénoncé une Europe où "le pouvoir d'achat décline quand les profits augmentent".
"Nous n'acceptons pas qu'il y ait 30 millions de travailleurs pauvres en Europe"
"le travail
précaire et l'inégalité de salaire entre les hommes et les femmes"
. Zita Rist, syndicaliste roumaine, protestecontre des salaires trop faibles. Une petite centaine de militants de la CGT, une cinquantaine de la CFDT et
quelques syndicalistes de FO et de l'UNSA conspuent la
"baisse du pouvoir d'achat". "On ne veut pas d'une
Europe à bas prix"
, explique Ouria Belaziz, syndicaliste CGT chez Calor-Seb, dans l'Isère.Cette campagne pour un salaire minimum légal marque une évolution de la CES. Jusqu'à présent, le DGB
allemand et les Scandinaves étaient réticents. Aujourd'hui, les syndicats allemands exigent la création d'un
salaire minimum de 1 200 euros par mois.
"Il n'est pas question de fixer un salaire minimum européen, mais de
faire en sorte qu'il existe dans chaque pays"
, a expliqué M. Thibault (CGT).Face à cette exigence, le président de la Banque centrale européenne (BCE), Jean-Claude Trichet, n'a eu de
cesse d'appeler à la modération salariale, lors d'une réunion avec les ministres des finances européens. Tandis
que l'inflation a atteint en mars le record de 3,5 % sur un an, les dirigeants européens craignent une spirale prixsalaires.
M. Trichet a jugé que les gouvernements se
"tromperaient lourdement" s'ils suivaient l'exemple de
l'Allemagne, où les fonctionnaires ont obtenu 5,1 % d'augmentation.
Le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, le président de l'Eurogroupe, a estimé que
"les travailleurs doivent
pouvoir tirer bénéfice du retour de la croissance"
. (dépêche AFP).
LES SERVICES PUBLICS SONT LE COEUR DE NOTRE MODELE SOCIAL
Comment et pourquoi défendre les services publics ?
Par Jean-Claude CHAILLEY, secrétaire général de Résistance Sociale
Naissance puis déclin de « l’Etat-providence » en Europe
A la fin de la 2
ème guerre mondiale, des progrès sociaux
importants ont été acquis : les nationalisations, souvent avec
monopole, un fort secteur public, la Sécurité Sociale …C’est
l’extension de « l’Etat-providence » en France et dans toute
l’Europe de l’ouest. Les services publics, les nationalisations
sont des secteurs importants qui échappaient au “ marché ”,
terme pudique pour éviter de dire “ capitalisme ”. Depuis, dans
toute l’Europe, celui-ci n’a de cesse de reprendre le terrain
perdu, voire au-delà. L’«Etat-providence » est en régression
rapide partout.
Le Service Public, coeur de notre modèle social
républicain
Les services publics sont la mise en oeuvre des valeurs
républicaines fondamentales de liberté, d’égalité, de fraternité,
de laïcité qui découlent notamment de la Révolution Française
et du Conseil National de la Résistance. Ils se fondent sur les
besoins fondamentaux des citoyens, qui doivent être satisfaits
pour tous. Garants de l’égalité entre citoyens, facteurs de
cohésion sociale, ils expriment une solidarité forte, s’opposant
à l’exclusion et à la précarité.
Une offensive multiforme est menée contre les services
publics
1 Offensive idéologique
: les services publics,
contrairement au privé, seraient par nature inefficaces.
Pourtant, il ne manque pas de faillites, de demandes
d’aides, d’exonérations,… pour sauver les entreprises
privées. D’Enron aux subprimes, que de désastres ! Et
c’est bien le secteur nationalisé, propriété d’Etat, qui est
à l’origine du TGV, d’Airbus, d’Ariane, du nucléaire, de
France Télécom, jadis à la pointe de la technologie, ….
2 La continuité du service public est délaissée
:
fermetures d’hôpitaux, de maternités, de bureaux de
Poste, de classes, de tribunaux, de prud’hommes, …la
proximité est remise en cause,
3 L’égalité de traitement, de tarif est mise à mal
, par
une logique de tarification commerciale,
4 La qualité du service public est dégradée:
réductions
de moyens, de personnel, le service rendu aux usagers
baisse, alimentant volontairement le mécontentement,
5 La concurrence “ libre et non faussée ”.
C’est le credo
du libéralisme mondial, de l’eurolibéralisme. Le temps de
la libre concurrence des manuels d’économie est révolu
depuis bien longtemps. Il n’y a plus que des oligopoles
mondiaux, se rendant souvent coupables d’ententes au
détriment des consommateurs. Le concept de
”concurrence libre et non faussée ” est uniquement un
prétexte pour obliger à privatiser,
6 Les prélèvements obligatoires excessifs
. Nouvelle
arnaque intellectuelle nullement désintéressée. Si
l’enseignement était privé, il n’entrerait pas dans le calcul
des prélèvements obligatoires. Comme par hasard, on
propose des partenariats public–privé, notamment dans
l’université et la recherche,
7 La dette
. La dette était réduite en France. Elle s’est
accrue en parallèle avec la hausse des taux d’intérêt, les
privatisations, les exonérations d’impôts qui ont réduit les
recettes fiscales de l’Etat,
8 Le flou du vocabulaire
: on appelle tout et n’importe
quoi service public, en entretenant la confusion par
l’introduction de la notion de “ service au public ”. On en
vient à se demander si Carrefour n’est pas un service
public. Bruxelles y a beaucoup contribué avec ses SIEG,
SIG, SSIG, Service Universel… On voit se multiplier les
DSP (délégations de service public), les PPP
(partenariats public- privé). C’est un mouvement général
de privatisation tous azimuts qu’on tente de masquer aux
citoyens. La confusion est telle que, depuis quelques
années, sont apparus les slogans type “ service 100 %
public ”, “ pôle 100 % public ”, tant derrière le mot public
certains mettent n’importe quoi. Les citoyens et même la
plupart des militants n’ont aucun moyen de s’y retrouver.
Les objectifs qui devraient être ceux du secteur public et
nationalisé
1 L’intérêt général, et non l’intérêt d’actionnaires,
2 Egalité et solidarité : entre individus, quelle que soit
leur situation sociale, entre générations,
3 Continuité du service dans le temps et dans les
territoires. Egal accès aux services rendus.
Proximité,
4 Redistribution, péréquation, réduisant les inégalités,
5 Développement économique à long terme, y compris
par la création des infrastructures de toutes sortes
nécessaires à l’efficacité des entreprises,
6 Objectif de qualité, de satisfaction de l’usager,
7 Objectif d’emploi. Une délocalisation peut procurer un
bénéfice pour une entreprise, mais coûte à la
société : coût du chômage, coût des ruineuses aides
à la création d’emplois, dégradation de la balance
commerciale,
8 Sécurisation, indépendance nationale, dans un
monde incertain,
9 Cohésion sociale : la fermeture des services publics
est un élément de la “ crise des banlieues ”, de la
désertification de certaines régions.
Champ des services publics
Il ne s’agit pas ici de dresser une liste précise, qui dépend
davantage d’un programme de gouvernement (on peut se
reporter aussi à la Charte de la Convergence de Défense et de
Développement des Services Publics, dont Résistance Sociale
est membre). Quelques critères des secteurs relevant des
services publics et nationalisés :
1 Biens ou services jugés essentiels pour les citoyens,
2 Secteurs où la concurrence n’existe pas
véritablement, ou lorsqu’une politique et des
investissements à long terme sont nécessaires,
3 Nouvelles technologies, nouveaux besoins sociaux
(dépendance…).
Entre autres : enseignement, hôpitaux, Sécurité Sociale,
entreprises de réseau (EDF- GDF, SNCF, Poste), Eau
(remunicipalisation), banque, logement social (HLM…), justice,
police, culture…
Combattre les privatisations, fusions
Il faut s’opposer aux privatisations (SNCF, Poste…), fusions
(GDF-Suez, ANPE-UNEDIC…), fermetures (hôpitaux,
maternités, classes, bureaux de Poste..), y compris dans les
secteurs régaliens (tribunaux, prud’hommes, trésor public). Il
faut combattre la banalisation du Livret A.
Tarification : tout en garantissant la qualité, les services
publics sont moins chers
1 La distribution de l’eau, confiée à Veolia et Suez est,
à qualités comparables, 15 à 20 % plus chère que
lorsqu’elle est assurée par une régie municipale.
Dans tous les pays où l’électricité a été privatisée, le
tarif a augmenté de 30, 40, 50 % ou plus. Le N° de
mars de « Que Choisir » constate que, dans les
transports aussi, la régie municipale est une option
parfaitement valable. La privatisation coûte cher.
C’est logique : doubles emplois au lieu d’économies
d’échelle, rémunération des actionnaires, campagnes
de pub… C’est l’usager devenu client qui paie.
2 Au contraire, le service public, plus économique à
prestation égale, permet d’avoir le même service sur
l’ensemble du territoire, quel que soit le coût de
revient. Par exemple, les opérateurs de téléphonie
mobile, malgré leurs profits astronomiques
(Philippines : 5 heures, 5 euros), refusent d’équiper
les zones non rentables du territoire, demandent
des financements publics, et les obtiennent !
Les usagers aussi doivent défendre le statut de la fonction
publique
1 Un commercial, par exemple, dont la rémunération et
le maintien dans l’emploi sont liés au résultat, servira
forcément son propre intérêt avant celui du client.
C’est d’ailleurs la raison d’être de cette forme de
rémunération,
2 A l’inverse, un fonctionnaire sous statut servira de son
mieux l’usager car il est là pour ça,
3 C’est pourquoi, il faut lutter contre le projet du
gouvernement de remise en cause du statut, ouvrant
la voie aux licenciements, contre la copie du privé
comme le salaire dit “au mérite”…
Le service public rempart de la démocratie
Les grands groupes mondiaux, avec leurs 20 000 filiales,
contrôlent 70 % du commerce mondial. Jouant de la
concurrence sur le coût du travail, la fiscalité, les exonérations
et aides diverses, ils sont plus puissants que les Etats qu’ils
soumettent.
Dès lors, le suffrage universel tend à devenir une simple
formalité sans véritable enjeu, comme aux USA.
A cet égard, il ne faut pas sous-estimer la gravité de la
ratification du Traité de Lisbonne. Pour la première fois depuis
bien longtemps, le suffrage universel a été froidement et
volontairement bafoué.
Le privé doit avoir sa place, mais ne doit pas avoir un pouvoir
économique si écrasant qu’il lui donne de fait une influence
déterminante sur le pouvoir médiatique et politique. Pour
préserver la démocratie, il faut renforcer le secteur public et
nationalisé.
Avoir des services publics de haute qualité, à la pointe du
progrès, tournés vers la satisfaction des usagers, est
avant tout une question de volonté politique
1 Tous les moyens existent, entre autres les techniques
marketing, pour connaître les besoins des usagers,
créer les services correspondants, mesurer
scientifiquement l’évolution du taux de satisfaction
des usagers. Il faut former le personnel, cesser les
suppressions de postes, améliorer les conditions de
travail, avoir des salaires corrects et une formation
professionnelle de qualité…
2 Le problème est donc politique. Il faut une majorité
politique qui ait la volonté de développer l’industrie, la
recherche, le secteur public. A contrario, s’il s’agit de
préparer la privatisation, si on considère qu’on ne
peut rien faire contre la mondialisation libérale, on ne
risque par de développer une stratégie performante.
On gère le déclin, sinon le massacre.
Les Services Publics sont incompatibles avec la finalité de
l’Union européenne, la “ concurrence ”, terme en réalité
synonyme de “tout privé ”. Il faut donc réorienter la
construction européenne, changer sa finalité.
Que ça fasse plaisir ou non, les traités s’appliquent tant qu’ils
sont en vigueur. Et on peut compter sur la Commission
européenne et la Cour de Justice pour être vigilantes. Les
mobilisations contre les privatisations, en faveur des services
publics, se heurtent au mur de la “ concurrence libre et non
faussée ” qui progressivement s’étend à tous les domaines.
Les services publics sont l’antithèse de la concurrence. C’est
d’ailleurs dans la foulée de l’Acte Unique européen que les
privatisations ont commencé.
L’objectif de la stratégie de Lisbonne, “ économie la plus
compétitive… ”, sert de prétexte aux privatisations,
engendre la concurrence sur les salaires et sur les
conditions de travail, donc l’abandon du statut, du contrat
à durée indéterminée, la baisse du pouvoir d’achat, la
précarité, la remise en cause de la protection sociale.
Selon cette idéologie, tout ce qui est rentabilisable devrait être
privatisé, le Service Public tendant à devenir un filet de
sécurité, une charité “ pour les plus démunis ” et un lieu de
socialisation des coûts favorisant la privatisation des profits.
L’idéal de la construction européenne ne peut être la
concurrence – privatisation généralisée, commune à tous
les traités depuis le traité de Rome -, ni la remise en cause
des acquis sociaux. L’Europe doit se construire sur les
objectifs de développement économique, respectueux de
la nature, et d’élévation du niveau de vie des peuples.
Tous les traités européens en vigueur doivent donc être
revus. Les services publics doivent être renforcés.
La France qui a voté NON à la Constitution, qui a infligé
une défaite cinglante à Sarkozy – Fillon lors des élections
de mars, doit être à la pointe du combat pour le retour à
« l’Etat-providence » en France et en Europe dont les
services publics sont le coeur.
Nota
: le terme « Etat-providence » n’a pas la même
signification pour tout le monde. Certains y voient une
connotation plus ou moins religieuse, d’autres le symbole de
l’interventionnisme étatique gaulliste, d’autres la traduction du
rôle protecteur de l’Etat, qui est exprimée ici. Certains
préfèrent employer l’expression « état social » ou « état
républicain social ». Afin de permettre à chacun de s’exprimer,
il nous paraît utile de lanncer le débat dans un prochain
numéro.
Quand Sarkozy supprime la carte famille nombreuse puis veut l’étendre
Par Pierre KERDRAON
Bien sûr, officiellement, il n’était question que de transfert. Sarkozy,
dans son intervention sur la réforme des politiques publiques (RGPP)
du 4 avril, voulait seulement que l’Etat ne prenne plus en charge les
tarifs de famille nombreuse, d’étudiants, de salariés (billets de
congés annuels) de la SNCF… Gain escompté : 70 millions d’euros
(à comparer aux 15 milliards du « paquet fiscal »).
En réalité, il était bien question de supprimer ces tarifs sociaux
instaurés en 1921 qui devaient être remplacés par des tarifs
commerciaux beaucoup moins avantageux et surtout inaccessibles à
de nombreuses familles aux revenus modestes.
Une semaine plus tard, après que de multiples voix se soient faites
entendre pour défendre la carte famille nombreuse et plus
généralement les tarifs sociaux de la SNCF (et qu’on ait assisté à un
total cafouillage gouvernemental), le même Sarkozy nous annonce
que ceux-ci seront finalement maintenus et même élargis et que
l’Etat continuera à les prendre en charge, moyennant une soulte de
la SNCF.
On ne s’en plaindra certes pas.
Cela jette toutefois une lumière crue sur le sérieux de ce rapport
RGPP, effectué sans la moindre concertation avec les usagers, les
associations ou les représentants des personnels.
En voulant rogner sur les droits sociaux pour pouvoir dire à la
Commission européenne de Bruxelles qu’il a pris les mesures
nécessaires pour limiter le déficit, le président Sarkozy s’est, pour le
coup, pris les pieds dans le tapis. Nouvelle chute, me direz-vous,
après celle observée dans les sondages.
Oui, sauf que, cette fois, la question se pose : y a-t-il encore un
Président de la République en France ?
Les « contrats de partenariat public privé » :
privatisation insidieuse et dissimulation de dettes
Par Alain GELY, syndicaliste, économiste
Inspirés des « Private finance initiative » des
conservateurs britanniques, repris par les travaillistes, les
contrats de partenariat (CdP) constituent une nouvelle
forme de partenariat contractuel, à côté des délégations
de service public. Des formules voisines ont été mises en
oeuvre depuis 2002 dans les hôpitaux (baux
emphytéotiques hospitaliers) et dans le secteur
pénitentiaire, notamment.
Il s’agit de confier à des tiers
« une mission globale
relative au financement d’investissements immatériels,
d’ouvrages ou d’équipements nécessaires au service
public, à la construction ou transformation des ouvrages
ou équipements, ainsi qu’à leur entretien, leur
maintenance, leur exploitation ou leur gestion, et le cas
échéant, à d’autres prestations de services concourant à
l’exercice, par la personne publique, de la mission de
service public dont elle est chargée. »
Excusez du peu !
Comme, dans le même temps, les moyens financiers et
humains de l’Etat et des collectivités territoriales sont
étranglés, cette « formule-miracle » aura à terme un effet
évident : sous couvert de « partenariat », le secteur privé
sera amené à régenter de plus en plus les équipements
publics et les services publics. La logique du profit
(répondre aux demandes de ceux qui peuvent payer)
s’imposera à la logique du service public (répondre aux
besoins de tous les citoyens). Les salariés du secteur
public, mais aussi du secteur privé, verront leurs statuts
et leurs garanties collectives s’effriter. Les exemples
britanniques et canadiens le montrent clairement (voir par
exemple l’article de Violette Osmain sur les hôpitaux
britanniques dans Résistance sociale d’avril 2006). Les
syndicats de ces pays sont extrêmement critiques.
Les CdP ont jusqu’à présent eu du mal à décoller en
France. En effet, à la suite des réserves du Conseil
constitutionnel, ils devaient être réservés à des cas où il
était bien établi qu’ils constituaient la seule solution,
notamment pour des raisons d’urgence ou de complexité.
Les libéraux (Novelli en février 2007), les lobbies de la
banque et du conseil ont, depuis 2004, déployé une
intense activité pour « améliorer » l’ordonnance de juin
2004 qui instituait les CdP. Ils mettent en oeuvre de
grands moyens pour convaincre, notamment, les
collectivités territoriales de multiplier les CdP. En octobre
2007, Sarkozy a demandé au gouvernement de
« libérer
les PPP d’une réglementation trop restrictive »
. D’où un
projet de loi en février 2008, examiné en première lecture
par le Sénat le 1
er et le 2 avril.
Selon ce projet de loi, les CdP s’étendraient à de
nouveaux secteurs. Surtout, il ne serait plus nécessaire
de montrer que les CdP constituent la seule solution mais
seulement de démontrer (prétendument) qu’ils sont plus
efficients que toute autre formule, notamment la régie
publique ou la maîtrise d’ouvrage publique. Une logique
purement financière s’imposerait, sur la base de calculs
souvent très contestables, alors que les investissements
et services publics doivent aussi prendre en compte des
critères autres que financiers (environnement, aspects
sociaux, intérêt national…).
Autres aspects du projet de loi : faciliter l’utilisation du
domaine public et des équipements publics à des fins
commerciales. C’est souvent ainsi que les projets de CdP
deviennent rentables, voire juteux. Le code général de la
« propriété des personnes publiques » a d’ailleurs été
révisé en catimini pour faciliter ces opérations. Autre
forme de privatisation inavouée.
Outre la privatisation insidieuse, les CdP se traduisent
par une dissimulation de l’endettement. En effet, alors
que la formule normale (régie publique ou maîtrise
d’ouvrage publique) implique des investissements, et
donc un arbitrage financier et souvent un endettement, il
n’en est pas de même des CdP. Pour payer ceux-ci, la
collectivité publique (Etat ou collectivité territoriale)
versera une succession de loyers sur de nombreuses
années, voire plusieurs décennies. Ces loyers sont des
engagements à long terme qui ne sont pourtant pas
considérés, en comptabilité publique, comme de
l’endettement. On devine la tentation, pour le
gouvernement, mais aussi pour des élus locaux de tous
bords : au lieu d’investir et d’emprunter, ce qui oblige à
augmenter la dette, on signe un contrat avec un
« partenaire » privé ; après les premières années, les
loyers seront pris en charge par les gouvernements et par
les contribuables dans l’avenir. Après nous le déluge ! De
plus, certains risques techniques et financiers sont
transférés par les collectivités publiques au secteur privé,
qui les fait évidemment payer très cher. Accessoirement,
la couverture de ces risques offre un marché de plus pour
les assurances…
Cette facilité, cette possibilité inavouée de dissimulation,
ajoutée à la complexité de ces textes, explique peut-être
que le projet de loi ne soit guère combattu au Parlement.
Le groupe CRC (Communiste, républicain et citoyen) se
trouve un peu seul pour dénoncer l’inconstitutionnalité du
nouveau texte et pour y proposer des modifications
substantielles.
Le combat parlementaire n’est pas achevé. Mais il est
clair que l’action des citoyens, des militants syndicaux,
sera indispensable pour enrayer cette machine infernale
contre les services publics que constituent les CdP.
Ce combat, ces combats seront difficiles mais ne sont
pas perdus d’avance. Déjà les syndicats du
Conservatoire national des arts et métiers, ont réussi à
repousser un projet de CdP, présenté comme inéluctable.
Comment y ont-ils réussi ? En exigeant un débat sur les
missions de service public du CNAM (ce qui avait été
« oublié »), suivi d’un schéma directeur immobilier assorti
de la recherche de moyens de financement.
Car ces moyens existent, ou peuvent être mobilisés :
qu’on ne nous dise pas le contraire au moment où les
banques centrales trouvent des centaines de milliards
d’euros pour combler les dégâts de la spéculation
financière. En outre, si les « partenaires privés » peuvent
financer les équipements et services en s’adressant aux
marchés financiers, pourquoi l’Etat et les collectivités
locales ne le pourraient-ils pas par d’autres moyens ?
Evidemment, une politique du crédit qui favoriserait des
solutions publiques n’est pas dans les vues de la Banque
centrale européenne…
D’autres militants ont entrepris une action contre « leur »
CdP. A l’Insep et au château de Versailles notamment. La
lutte est difficile mais elle n’est pas vaine. Il faut
sensibiliser l’opinion publique, ce que les élus – même
d’opposition – ne font pas facilement pour les raisons
exposées ci-dessus. Il faut aussi agir en amont : la
dégradation des services publics sert en effet de prétexte
pour des privatisations, sous forme de CdP ou sous une
autre forme. Il faut donc avancer des alternatives :
maîtrise et financement publics des services publics,
maintien et développement des capacités d’expertise et
d’intervention publiques, partenariats « public-public » ou
« public-social » (associant des entreprises de l’économie
sociale aux administrations)… Les alternatives existent.
Les syndicalistes de la RTM, à propos du tramway de
Marseille, ont donné l’exemple de possibilités de victoire,
dans un cas de « délégation de service public » (qui
constituent une autre forme de « partenariats publicprivé
»). La justice leur a donné raison après une longue
lutte et une longue procédure.
Face aux idéologues et aux affairistes qui promeuvent les
CdP, face aux subterfuges qui visent à transférer des
dettes sur les générations futures, c’est en terme de
résistance sociale qu’il faut raisonner et agir. Résistance
et action des usagers des services publics, des
syndicalistes et des élus soucieux de l’intérêt général à
long terme.
PS pour plus de détails on peut me contacter par
l’intermédiaire de Résistance sociale.
Pour lire la suite, allez sur le site de résistance sociale
Decaillon, secrétaire confédéral de la CES.
Dans les rues de Ljubljana, Paola Guari, enseignante dans le Frioul italien, est venue pour dénoncer