La dernière fois qu'ils se sont retrouvés, c'était au mois d'octobre, dans une pizzeria de Saint-Germain-des-Prés. Ils étaient ce soir-là une dizaine, et leur dîner, au lendemain du second tour de la primaire socialiste, est la preuve que les amitiés de jeunesse peuvent résister à beaucoup d'aléas.
Depuis dix ans qu'ils se connaissent, pourtant, c'est peu dire que leurs engagements ont suivi des voix différentes. Sébastien Gros, 31 ans, est le chef de cabinet de Manuel Valls à la mairie d'Evry. John Palacin, 33 ans, a été le directeur adjoint de la campagne d'Arnaud Montebourg. Olivier Jouis, aujourd'hui cadre supérieur chez EADS, fournit des notes à François Hollande. Un quatrième, qui ne veut pas être nommé, a rejoint l'UMP, et les autres ont cessé toute activité militante. De cette bande de copains, finalement, seul Julien Landfried est resté fidèle à Jean-Pierre Chevènement. A 33 ans, il en est même aujourd'hui le porte-parole.
Ce petit groupe, qui constitue le dernier carré de Génération République, l'association de quelques centaines de jeunes adhérents sur lesquels pouvaitcompter l'ancien ministre de l'intérieur pendant sa campagne présidentielle de 2002, est à l'image de la "chevènementie". Une famille éclatée dont les membres se sont dispersés sans pour autant se perdre de vue. Et dont le patriarche, isolé, n'en reste pas moins influent.
"Chevènement est un général sans troupes, mais il reste très écouté, même par ceux qui se sont éloignés de lui", confie Cyrille Minso, 41 ans et toujours président de Génération République. Pour ce secrétaire général d'un groupe de courtage en produits financiers, voilà pourquoi la candidature du président d'honneur du Mouvement républicain et citoyen (MRC) en 2012, annoncée le 5 novembre sur France 2, est à prendre au sérieux : " L'homme appartient au passé, mais ses idées, notamment sur l'Europe, entrent en résonance avec ce que pensent beaucoup de gens. De sorte que, s'il se maintient, il peut très bien priver Hollande de beaucoup d'électeurs qui, plutôt que de voter utile au premier tour, préféreront un candidat correspondant davantage à leurs valeurs."
Ces électeurs, Gaël Brustier les estime à "600 000 minimum". A 33 ans, ce docteur en science politique est, dans la jeune génération, considéré comme l'un des rejetons les plus brillants de la diaspora chevènementiste. Entré en politique par le séguinisme, proche collaborateur de Georges Sarre quand celui-ci était maire du 11e arrondissement de Paris et président du MRC, il a claqué la porte du mouvement en 2006 pour rejoindre le Parti socialiste. Aujourd'hui directeur de cabinet adjoint d'Arnaud Montebourg à la présidence du conseil général de Saône-et-Loire, Gaël Brustier est resté proche du sénateur de Belfort. Au point de selancer dans un travail de bénédictin : la publication, chez l'éditeur Bruno Leprince, des textes du Centre d'études, de recherches et d'éducation socialistes (Ceres), cofondé par Jean-Pierre Che