On ne saurait toutefois perdre de vue que la Constitution est d’abord faite pour donner une traduction effective à la souveraineté populaire. Elle reflète, par sa pratique et par ses dérives l’état réel de cette souveraineté. Lorsque celle-ci est atteinte, il faut en priorité s’attaquer aux causes du mal. Le reste et même la question du régime vient après. Or, prônant le retour à un régime parlementaire, les projets de « VI° République » sont muets sur cette question fondamentale de l’exercice de la souveraineté. Ils cherchent à renforcer les pouvoirs du peuple par la proclamation de droits nombreux (participation, parité…) et un appel accru au referendum, en raisonnant comme si la souveraineté populaire était intacte. Ils ne voient pas que les pouvoirs qui en résulteraient ne seraient pas librement exercés, la plupart étant hypothéqués par la subordination de nos lois aux traités européens.
1/La priorité de toute réforme de la Constitution doit mettre l’accent sur le problème de l’abaissement du pouvoir souverain de faire la loi
Cet abaissement a une double source : externe avec les transferts de souveraineté vers l’UE mais aussi interne, avec la bien mal venue exception d’inconstitutionnalité qui n’a de démocratique que l’apparence. Déjà soumis à la censure parfois imprévisible du juge constitutionnel, le législateur voit remettre en question tout le stock des lois existantes, avec une procédure de « question prioritaire de constitutionnalité » qui fait les délices des avocats et ralentit encore les procédures judiciaires. En bref le Parlement et par là le peuple voit grignoter sa souveraineté de tous côtés. La force de la loi en souffre : elle est abondante, bavarde (transposition de directives lourdes et complexes), mal connue et mal respectée. Un peuple dont les représentants ne maîtrisent plus la confection de la loi vit une démocratie affaiblie.
2/Quant à la question du régime, il est clair que la « VI° République » d’A. Montebourg ou celle du Front de Gauche se solderait principalement par un retour à la IV° c’est-à-dire au régime d’assemblée. Le rééquilibrage des pouvoirs entre un Président de la République qui continuerait à tirer sa légitimité de l’élection au suffrage universel et un Premier ministre désigné par lui mais désignant son gouvernement et soumis à investiture par l’Assemblée, serait soit un trompe-l’œil de mauvu’à trop multiplier les principes, on porte atteinte à la densité de ceux qu’il est le plus important de préserver.