Antilles : ne nous trompons pas de combat !
J’ai été frappé par l’ambivalence des slogans, lors de cette manifestation. La presse a retenu quelques slogans minoritaires, comme « la colonisation, c’est fini » ; mais pour l’essentiel, cette manifestation avait pour mot d’ordre « solidarité entre la métropole et les DOM-COM ». Nuance…
Aux Antilles, la fracture sociale, la lutte des classes même disons-le, peut prendre l’apparence d’une opposition ethnique, puisque les familles fortunées qui contrôlent l’économie des îles, les Békés, sont des Antillais blancs, et que l’essentiel des travailleuses, travailleurs, et demandeurs d’emplois, qui vivent dans des conditions de logement, de pouvoir d’achat, souvent très difficiles, sont des Antillais noirs. Pour autant, c’est bien sur des revendications sociales que s’est construite la lutte des Antillais. Et ce sont bien des réponses économiques et sociales qui sont attendues du patronat local et du gouvernement français.
Par ailleurs, c’est vers Paris que les Antillais, en bonne logique, lancent leurs revendications, comme le font les Creusois pour le service public rural, ou les Mosellans contre la fermeture de l’usine de Gandrange ! Cette lutte sociale conforte donc, d’une certaine façon, l’unité nationale.
Ce n’est, à l’évidence, qu’une longue surdité gouvernementale (elle semble heureusement s’être un peu résorbée hier avec quelques annonces présidentielles - ajout du 20 février) qui pourrait faire muter cette lutte sociale légitime en entreprise, si non voulue, du moins de fait, de divorce national entre la métropole et l’outre-mer français des Antilles.
Peut-être certaines organisations d’extrême-gauche rêvent-elles d’amalgamer la lutte sociale et la dislocation nationale, pétries qu’elles sont de haine à peine rentrée contre la Nation et l’Etat. Certains gauchistes devraient se libérer de leurs névroses post-coloniales et vivre au présent, pour voir la force d’une Nation citoyenne ouverte, construction politique extraordinairement moderne, outil de conquêtes sociales et émancipatrices.
C’est dans cet état d’esprit républicain et progressiste que je m’associe aux luttes sociales légitimes des Antillais, comme je m’associe aux luttes sociales des travailleurs de métropole.
Oui, la République sociale n’est pas une contradiction, c’est un pléonasme !
Souhaitons que la mobilisation populaire aux Antilles soit l’avant-garde de la mobilisation populaire en métropole, que cette mobilisation soit assez radicale pour ébranler au fond le système capitaliste financier mondialisé, mais assez constructive et responsable pour conforter la République, la vraie. Si non, elle renforcera le pouvoir en place, qui pourrait être tenté par un tour de vis répressif, inclinaison naturelle d’une oligarchie contestée.
Georges SARRE